Autrefois surnommée "la perle de l'Asie du Sud-Est", la capitale du Cambodge a su préserver un peu de son faste d'antan. Réorganisée par les français à l'époque coloniale pour préserver les trésors architecturaux Khmers (pagodes, Palais royal...) Phnom Penh est littéralement quadillée de larges avenues bordées de luxueux bâtiments, et ponctuée ça et là de grands espaces verts, qui permettent de respirer malgré la congestion automobile sans cesse grandissante. La guerre, bien sûr, a laissé des traces, et de nombreux édifices religieux ont été rasés par les Khmers rouges, mais après une décennie d'immobilisme sous le régime provietnamien, la ville est parvenue à se relever de ce long cauchemar, notamment grâce à l'afflux de capitaux étrangers. Aujourd'hui, Phnom Penh présente un visage nouveau, à la fois animé et nonchalant, avec même une certaine allure de petit Paris asiatique. Nous nous y sommes tout de suite senti assez bien.
La ville a amplement répondu à nos attentes. Tout d'abord car, après la frénésie du Vietnam et la froideur de certains de ses habitants, nous nous sommes retrouvés face à des gens calmes et rieurs. Une histoire de climat je pense, ou bien un climat chargé d'histoire au choix. Puis parce qu'en nous promenant un peu partout, nous avons découvert de somptueux sites, bien que la promenade le long du Tonlé Sap (la rivière) laissait à désirer. Nous avons par exemple gravi la colline de Wat Phnom et découvert un temple magnifique aux superbes fresques et aux nombreuses statues dorées, ou encore nous nous sommes aventurés au Wat Bottum Vaddey, qui contiendrait des cendres du Bouddha en personne, mais ça, on a pas pu vérifier... Nous serions bien rentrés dans l'enceinte du Palais royal également, mais mon débardeur ne leur plaisait pas et j'ai refusé d'acheter un tee-shirt pour l'occasion. D'autant plus que tout n'était pas accessible au public. En effet, il s'avère que le père du roi actuel, Norodom Sihanouk, est mort le 25 Octobre dernier, et que les cortèges funèbres et les pélerinages ne cessent depuis. Face au Palais, nous avons d'ailleurs pu voir une toute nouvelle pagode en construction, gigantesque, qui devrait lui servir de dernière demeure le 4 Février, jour de son véritable enterrement. J'espère qu'ils l'ont bien embaumé, parce que cela fait plus de trois mois là!
Nous avons également revu Liana, notre gentille hôtesse de Saigon, qui nous a présenté deux de ses amis expats, Eric et Philippe, et avec qui nous avons passé une très bonne soirée, riche en informations sur le pays. J'aurais bien voulu passer plus de temps à côté de notre hôtel, rue 51, dans ce qu'Eric appelle "l'antre de la perdition", mais Samia n'était pas plus motivée que ça. Je ne comprends pas pourquoi, c'était plutôt sympa. Bon, c'est sûr, il y-avait beaucoup de jeunes et belles prostituées, que venaient lutiner de gros, moches et vieux occidentaux dans une ambiance un peu glauque tamisée en rose, mais il y-avait également plein de tables de billard qui n'attendaient que nous, et la bière était bonne! Dommage. On remettra ça à Bangkok, même si les filles y sont plus chères, moins jolies, des mecs.
Non, là où ça s'est vraiment gâté, c'est lors de l'avant-dernière journée. Nous avions prévu plusieurs visites de musées, et la ville étant tout de même très étendue, nous avons loué des vélos au tenancier de la guest-house. Le mien était un peu pourri, et avait nécessité un sacré regonflage, mais il roulait, c'était le principal. Nous nous sommes donc rendus, pour commencer, à Tuol Slen, rien de moins que le Musée du Crime Génocidaire. Autant dire tout de suite que la visite était cauchemardesque, mais qu'elle permet de mieux saisir l'ampleur du traumatisme subi par le peuple cambodgien. Cet ancien lycée français devint en effet la prison la plus terrifiante du pays sous les Khmers Rouges. Baptisé S-21 par les hommes de Pol Pot, le lieu n'est pas sans rappeler certains camps de concentration nazis, et à défaut d'avoir été le seul (on en a recensé plus d'une centaine au Cambodge), c'est le plus accessible, en plein centre-ville de la capitale, et il est aujoud'hui devenu un triste mémorial.
D'avril 1975 à janvier 1979, près de 15 000 personnes y passent, subissant les pires tortures avant d'être achevées dans le camp d'extermination de Choeung Ek, à l'extérieur de la ville. Sept seulement ont survécu, à la libération. Personne n'a réussi à s'échapper. Les Khmers rouges y enfermaient tous les opposants supposés au régime, pour n'importe quel motif, valable ou non, sans distinction d'âge, poussant même la "farce" jusqu'à y amener des bébés. L'horreur absolue... Les gardiens avaient entre 10 et 17 ans, endoctrinés par leurs aînés de l'Angkar (l'Armée de Libération du Kâmpuchéa Démocratique) et devenaient rapidement plus cruels que les adultes. Ayant la manie de l'archivage (on a retrouvé 20 000 dossiers impeccablement tenus), les tortionnaires fichaient tous leurs détenus, à l'arrivée, et après le décès. Bref, entre l'exposition des photos des victimes, les cellules minuscules où elles étaient parquées, les salles "d'interrogatoire", les squelettes sous vitrine et les illustrations des diverses méthodes de torture, nous nous sentions horriblement mal, je dois l'admettre. Le pire ne réside pourtant pas dans tout cela, mais plutôt dans l'attrait morbide qu'exercent les regards des suppliciés face à l'appareil photo. On y lit du dégoût, de l'incompréhension, de la peur, de la haine, parfois de la pitié. Certaines personnes ont même souri! C'est très dérangeant, et l'on se sent à la fois malheureux, petit, accablé, et nanti d'être en vie et de ne pas avoir vécu cette tragédie. Je vous laisse juger par vous-mêmes. Certains me diront que c'est abusé de ma part de poster de telles photos, mais croyez-moi, c'est la moindre des choses que je puisse faire...
Seulement, nos "malheurs" n'allaient pas s'arrêter là. Aussitôt ressortis, nauséeux, nous avons enfourché nos vélos pour changer d'air et de musée, et je me suis alors aperçu que le pneu était crevé, puis en freinant pour m'arrêter, j'ai eu la mauvaise surprise de voir le câble de frein se péter brusquement! Considérant que dans ces conditions, il valait mieux rentrer à l'hôtel, Samia est partie devant tandis que je poussais piteusement mon bicloune pourri au milieu des embouteillages, et ce sur trois bons kilomètres. En arrivant, le patron me fit comprendre que non seulement, il n'allait pas nous rendre l'argent de la location à la journée, alors que nous ne les avions utilisé que vingt minutes, mais qu'en plus, vu que c'est moi qui l'avait cassé, je devrais payer les réparations! Quand je lui ai annoncé tout net mon refus, le mec était prêt à nous foutre à la porte... Le lendemain matin, nous sommes descendus pour le check-out, et bien évidemment, lorsque j'ai payé la chambre en déduisant le montant des vélos, il est entré dans une fureur noire, a tenté de séquestrer nos sacs pour nous empêcher de partir et était prêt à appeler les flics, chose qui m'aurait ravi! Mais Samia a préféré lui filer la moitié du fric pendant que je me coltinais une quinzaine de badauds et sa famille au grand complet! Nous avons fini par partir sous les invectives, dans une ambiance qui n'était pas sans me rappeler mes heures noires en Afrique. Et après avoir changé d'hôtel et dormi comme des loirs, nous avons quitté Phnom Penh, un peu déçus par la tournure que les évènements avaient pris. Heureusement, nous voici à Kampot, et je pense que nous allons bien nous refaire ici!
Merci pour cette charmante visite culturelle! Lire le blog au petit dej, c'est pas toujours une bonne idée..
RépondreSupprimerAhah! ça t'apprendra!
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