mercredi 29 août 2012

Tanjore / Maduraï / Kodaïkanal


Maintenant que nous possédons une clé réseau 3G Wifi, il est beaucoup plus facile de se connecter, et les articles seront moins long à venir, elle est pas belle la vie?


Cela fait un mois que nous sommes partis et il ne s'est passé que six jours depuis notre départ de Pondy, et pourtant, il nous semble que cela fait déjà une éternité... Sûrement à cause des trajets de 4 à 7 heures en bus qui pimentent nos journées, et la fatigue qui en découle. Il faut dire que les trajets en Inde ne sont pas de tout repos, surtout quand le chauffeur du car garde la main fermement enfoncée sur le klaxon quatre heures durant... Car ici, pour ceux qui ne s'en doutaient pas, c'est la loi du plus fort, enfin, du plus gros plutôt, qui régit les routes. Les poids lourds n'hésitent donc pas à faire valoir leurs droits en se doublant allègrement les uns les autres (en klaxonnant bien entendu), et à pousser les véhicules arrivant de front sur le bas-côté. Tout un poème... De la même manière, nous nous sommes rendus compte en conduisant des deux roues, que les indiens ne savent pas tourner la tête lorsqu'ils conduisent. Ni pour tourner, ni pour s'engager sur une voie principale. Encore une fois, ils préfèrent klaxonner à tout rompre et laisser aux autres le soin de s'écarter. C'est très particulier. Je me demande comment ils ne déplorent pas plus d'accidents que cela. Samia, quant à elle, estime que les mecs se délivrent ainsi de toute leur hargne et leur frustration sexuelle. C'est une théorie comme une autre, hein!


Mais revenons à nos vaches sacrées: Nous nous sommes arrêtés à Tanjore pour deux raisons. Premièrement, pour éviter un trajet trop long, et ensuite afin d'aller visiter le fameux Temple Brihadishvara, communément appelé "Big Temple", et construit au Xème siècle par l'empereur Rajaraja, de la Dynastie Chola. C'était splendide. D'autant plus que le temple est toujours en activité et que de nombreux fidèles viennent prier dans cet édifice dédié à Shiva. Le plus curieux, dans cette visite, fut tout de même de voir une trentaine de personnes compter d'énormes liasses de billets, offrandes des fidèles, au vu et au sus de tous, tandis que des mendiants s'activent pour survivre à deux pas de là.




Mais c’est en sortant du temple que nous sommes tombés sur le plus improbable. Un cirque itinérant indien. Bon calmez tout de suite vos ardeurs, c’était loin d’être aussi alléchant que ça en a l’air. En fait, hormis quelques numéros passablement spectaculaires, bien que totalement éculés, l’ensemble relevait plus d’une troupe amatrice de lycéens complètement désintéressés par ce qu’ils faisaient. Ainsi, entre une jeune coréenne faisant du Hoola-Hoop (bon, ok, il y’en avait cinq en même temps), trois jeunes thaïlandais qui avalaient des (petits) sabres ou s’allongeaient sur des lances émoussées, et un tibétain qui faisait tournoyer (super bien il faut l’admettre) son bâton du diable, une quinzaine d’adolescentes chinoises et potelées exécutaient sans grande conviction des chorégraphies moins dignes que la Macarena. Vous me direz, c’était donc un cirque asiatique ! Eh bien non, même pas… Il y’avait bien un couple indien qui tirait à la carabine à plomb sur des ballons dans des positions saugrenues, un motard qui faisait du cross dans une boule en fer, un vieux dresseur de poneys et de dromadaires, un éléphant qui jouait au cricket avec des ballons de foot, quelques numéros de corde et de trapèze intéressants, et même deux clowns, dont un nain aux jambes arquées… Seulement, le chapiteau n’étant rempli qu’au dixième de sa capacité d’accueil, et le public indien n’étant décidément pas le plus enthousiaste du monde, le résultat fut un peu… morne. Et nos éclats de rire étaient le plus souvent suscités par le fait que les artistes devaient s’y reprendre à plusieurs reprises pour réussir leurs tours. Enfin…




De Tanjore, nous sommes repartis pour Maduraï, grosse ville exécrable par excellence, avec sa circulation, son bruit en continu, sa saleté omniprésente et ses chauffeurs de Rickshaws qui essaient systématiquement de vous entuber. Néanmoins, nous avons eu l’immense plaisir de nous rendre  au Temple Sri Meenakshi, où nous en avons pris plein les mirettes. En effet, l’édifice serait l’un des plus grands du pays, tant en superficie que de par ses onze Gopurams (tours pyramidales recouvertes de statues), peintes de couleurs vives, dont quatre mesurent plus de 60 mètres. Aucun adjectif ne saurait dépeindre avec exactitude la beauté de l’endroit, la magnificence des salles de prières intérieures, les colonnes et piliers sculptés, les autels, les peintures… Environ 10 000 fidèles viennent chaque jour dans cet immense sanctuaire. Je vous laisse imaginer le bordel. Et l’atmosphère, chargée d’encens et de ferveur religieuse, est tout bonnement incroyable. Des foules entières s’assoient par terre et psalmodient leurs prières, des hommes s’allongent soudainement sur le sol et brassent l’air de leurs bras, des femmes confient leurs souhaits et leurs secrets aux oreilles de pierre de leur divinité, des processions impressionnantes suivent des cortèges de prêtres à moitié nus, portant des palanquins sacrés sur leurs épaules, les gens se badigeonnent le front de cendres… C’est stupéfiant. Samia était prête à se convertir, c’est pour dire !





Malheureusement, certains endroits, au sein du temple, sont fermés aux non-hindous, et nous n’avons pas pu accéder au saint des saints, c’est-à-dire aux chambres de Shiva (sous une coupole d’or) et de son épouse Parvati. Apparemment, tous les soirs à 21h, on déplace la statue de Shiva dans le sanctuaire de sa bien-aimée, afin qu’ils passent la nuit ensemble. Ces épousailles quotidiennes viseraient à revitaliser chaque jour l’énergie de l’univers tout entier ! J’aurais été curieux de voir comment les deux statues s’en sortent une fois les lumières éteintes… Autre lieu splendide, le Mandapa aux mille colonnes, une superbe galerie ne contenant en fait « que » 985 piliers superbement ouvragés, représentant un panel assez conséquent des divinités indiennes. Enfin, conséquent, quand on sait qu’ils comptent plus de 33 millions de dieux…





Et nous voici maintenant à Kodaïkanal, où Samia vient de remporter le championnat du monde toutes catégories de vomi spontané en mode geyser ininterrompu. Les chappattis aux oignons d’hier ne sont pas bien passés. Ajoutez à cela le trajet en bus, sur une route de montagne en lacets, interminable et cahoteuse, mélangez le tout et vous obtiendrez une fontaine explosive ! Il est vrai que l’ascension fut un peu longue et tumultueuse, mais les paysages étaient fantastiques : Des lacs cachés au fond de petites vallées ombragées, des gorges étroites d’où ruissellent de multiples cours d’eau et cascades, des forêts d’immenses eucalyptus s’élançant vers le ciel, des cultures en terrasses… Par contre, l’arrivée nous a un peu décontenancés. Kodaïkanal est une station climatique de montagne très prisée des indiens, car il y fait frais, voire frisquet, et le temps est assez humide, ce qui doit les changer agréablement des chaleurs de la plaine. Les prix s’en font sentir, même si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, et les hôtels étant pris d’assaut, nous nous sommes retrouvés le premier soir dans un boui boui un peu excentré, rempli d’hommes venus ici se bourrer la gueule. Charmant. En fait, nous n’avons quasiment pas dormi de la nuit, vu le boucan qu’ils faisaient, et j’ai vraiment pété un câble lorsqu’à 5h30, six mecs se sont mis à hurler, la télé à fond, se foutant éperdument du reste de l’hôtel. J’ai réussi à en calmer certains, mais les autres n’en ont crié que de plus belle. Quatre heures plus tard, nous changions de guest house, et logeons désormais dans un centre méthodiste, au calme, avec des gens aimables.







Comme dit plus haut, on se les gèle un peu, surtout le soir (Samia s'est chopé la crève la pauvre), et il est assez amusant de voir des indiens en pull, coiffés de bonnets ou de caches-oreilles. Dans l'ensemble en fait, on se marre pas mal à observer le comportement des vacanciers locaux, assez fortunés pour la plupart. Entre les ballades en pédalo sur le lac Kodaï,  à cheval ou en tandem tout autour, les séances photos en famille dans les endroits les plus kitchs, ou encore ceux qui mangent des glaces par 10°, oui, on se bidonne. Quant au panorama, il est tout simplement sublime. Noyée dans les nuages, la ville se nappe de brumes au petit matin et en soirée, mais offre une vue imprenable sur les vallées et collines alentours dès que le soleil se lève. Un régal pour les yeux.






 

Demain, nous quitterons ce petit paradis montagnard pour nous rendre au Kérala via Kumily et Allepey, avant de rejoindre Kochi où nous prendrons l'avion pour Bombay, puis le Rajasthan, en train. Tout un programme!


lundi 27 août 2012

Pondicherry


Voilà maintenant une semaine que nous nous prélassons à Pondicherry, et pour cause : nous avons été accueillis royalement chez Pierre, jeune ingénieur en chimie très sympa, venu ici travailler deux ans, et disposant d’une gigantesque maison (avec piscine !) La grande classe… C’est chez lui que résident les intervenants de l’association Après School, dans laquelle est venue bosser Gégé, ainsi que Nico, Amandine, Nadia, Zitoune…

Vue du toit, chez Pierre
Gégé et ses bouts d'chou
Samia revit, à Baker Street, face aux pâtisseries

Nous nous sommes rendus le premier week-end dans le village où se déroule l’action de l’asso, et je dois dire que leur travail porte ses fruits. Le centre accueille des enfants défavorisés, orphelins pour certains et n’appartenant à aucune caste reconnue (en-deçà des Intouchables donc), leur fournissant logement, nourriture, éducation, animations, sorties pédagogiques et ateliers en tous genres. Lorsque nous y étions, ils étaient en train de finaliser une cage à écureuils, la plupart des gamins étant fils de chasseurs, pour leur permettre d’apprivoiser les petites bêtes plutôt que de les maltraiter et de les boulotter en douce. Ah oui, ils possèdent également une piscine, « fournie » par un sponsor de La Rochelle ! Fantastique spectacle que de voir ces gamins maigrichons s’égailler dans l’eau par grosse chaleur…











Malheureusement, Gégé et le reste de la troupe sont partis depuis dans un autre village du Tamil Nadu, pour la deuxième partie de leur voyage en tant que volontaires. Qu’à cela ne tienne, enfourchant un scooter Activa de location, nous sommes partis à la découverte de la ville et de ses environs.


 


Ancien comptoir commercial français, et siège indien de la Compagnie Française des Indes Orientales durant trois siècles (jusqu’en 1954), Pondicherry conserve de nombreux vestiges de cette occupation coloniale. Le quadrillage des rues portant des noms tels que Dumas, Romain-Rolland, Dupuis ou St-Gilles, de nombreuses églises et cathédrales, un monument aux morts de la guerre 1914-1918, l’Alliance Française… Tous ces éléments côtoient de près la jungle urbaine caractéristique des villes indiennes. Premier hic dans ce décor : bien qu’en bordure de mer, Pondy ne possède pas de plages immédiates, se contentant d’une gigantesque digue de rochers noirs et pollués le long de la Croisette, censée contenir les attaques des typhons et tsunamis qui ravagent la côte. Deuxièmement, une grande partie de la ville appartient à l’Ashram de Sri Aurobindo, philosophe indien visionnaire. Autant communauté religieuse qu’entreprise financière, ses nombreux bâtiments peints en gris et blanc et ses multiples commerces et industries font de l’ombre à bon nombre de Pondichériens, qui n’y voient que du déviationnisme capitaliste, pouvant les mettre en danger, eux et leur famille.

Rien à voir avec ce qui précède...
mais j'aime bien ces statues...
Surtout Kali, il a l'air sympa...

Dix kilomètres au nord se trouve Auroville. Auroville n’est pas une ville, malgré son nom, mais plutôt une communauté internationale (sous protectorat indien), tentant de vivre ensemble différemment. Cette étonnante expérience utopique a vu le jour en 1968, sous l’instigation de Mirra Alfassa, communément appelée « La Mère », ancienne compagne spirituelle du philosophe Aurobindo (d’où le nom d’Auroville). L’idée de départ (louable) était qu’Auroville n’appartienne à personne en particulier, mais à l’ensemble de l’humanité. Elle se veut une cité universelle où hommes et femmes de tous les pays doivent pouvoir vivre en paix et en harmonie, au-dessus de toute croyance, de toute politique et de toute nationalité. Bien entendu, ce projet monumental rencontra énormément de difficultés, tant morales qu’administratives, surtout à la mort de la Mère en 1973 ; et l’idée originale d’une cité de 50000 personnes se résume aujourd’hui à une population de 2400 habitants. Néanmoins, le concept et le site sont fascinants, au-delà de toutes considérations éthiques (est-ce une secte, une utopie hasardeuse, ou un réel lieu de recherche spirituelle et pratique sur les valeurs humaines ?). 


Un Vortex d'eau...

Au centre, près d’un Banian (arbre sacré dont la particularité est de posséder des racines aériennes se transformant elles-mêmes en troncs) se situe le Matrimandir (ou Oratoire de la Mère), étrange et énorme bâtiment sphérique ressemblant à une balle de golf dorée, et recelant une salle de méditation d’un mysticisme hallucinant. A l’entrée, on vous demande de bien vouloir abandonner vos chaussures, puis de revêtir une paire de chaussettes blanches afin de ne pas contaminer l’intérieur. Mais une fois passées les portes, on se croirait parachuté dans un film de science-fiction, tant l’architecture est blanche, épurée, et les « hôtesses » vêtues de toges et silencieuses, paraissent venir d’un futur lointain et éclairé. Après avoir monté une rampe circulaire capitonnée de moquette, blanche également, nous nous sommes retrouvés dans le lieu sacro-saint, gigantesque salle circulaire disposant de douze colonnes et de petits coussins pour s’asseoir en lotus. Au centre, le plus gros cristal jamais façonné de main d’homme, sphère parfaite, réfléchit un unique rayon de soleil provenant du sommet du globe (qui le traverse de part et d’autre jusqu’à atteindre un autre cristal, plus petit, à la base du bâtiment), et génère une lumière vespérale, fantomatique, idéale pour la méditation. Silence obligatoire. Et interdiction formelle de prendre des photos, nous ne pouvons donc illustrer cette visite autrement que par une description certes longue, mais indispensable, veuillez m’en excuser. La méditation, à proprement parler, ne dure que 20 minutes la première fois, mais fait un bien fou, même si l’on n’est pas familier des techniques de yoga et d’introspection. Expérience vraiment fascinante. Nous invitons tous ceux qui se rendront à Pondicherry de la tenter pour se faire leur propre opinion.

Le Matrimandir
Le Banian


Le Matrimandir et le Banian

67 kilomètres au nord-ouest, Gingee (prononcez Singee). Bravant la chaleur et les coups de soleil, encore cuisants aujourd’hui, nous avons fait l’aller-retour en scooter pour profiter de la beauté de ce site incroyable. Au milieu de nulle part se dressent les vestiges d’une formidable forteresse, s’étalant sur un périmètre de six kilomètres, à cheval sur plusieurs collines et datant du XVIème siècle. Un décor digne d’un film d’Indiana Jones. Nous avons ainsi crapahuté sous le cagnard, escaladé des marches interminables, grimpé des remparts en ruines et joui de paysages sensationnels. Ça valait le coup de se taper 150 bornes en scoot en tout cas !




 




Pour finir cet interminable article, abordons l’aspect culturel de ce petit séjour prolongé. Nous avons eu le plaisir d’assister à un spectacle de cirque et de danse, d’une jeune troupe réunionnaise, et avons pu constater le peu d’engouement du public indien face à ce genre de représentation. Public pourtant attentif et friand des figures acrobatiques les plus spectaculaires. Nous avons également participé au tournage d’un film romantique, intitulé « Ché-Khé is our friend », en tant que figurants, dans un hôtel de luxe en bord de mer. Très sympathique. L’équipe m’a paru très professionnelle et efficace, même si les responsables du casting ne nous divulguaient les détails du planning qu’à la dernière minute, et que le temps a fini par nous paraître incroyablement long. Les mecs voulaient nous garder toute la journée, étant en rade de figurants blancs, et nous demandaient de rire aux éclats, de nous coller l’un à l’autre, voire de nous embrasser langoureusement, exercice auquel nous nous sommes prêtés de bon cœur !





Nous repartons demain, direction Tanjore, pour ses grands temples vivants Chola, puis Maduraï, et enfin Kodaïkanal, dans les montagnes, avant de nous rendre au Kérala, sur la côte ouest. Nous vous souhaitons d’excellentes fins de vacances, et une très bonne rentrée, hé hé...