vendredi 8 février 2013

Siem Reap, et Angkor, et Toujours...





Quitter la douceur et la tranquillité de Kampot fut difficile, surtout pour se retrouver à Siem Reap… Je n’évoquerai pas le trajet de bus de onze heures, avec étape à Phnom Penh, durant lequel il nous aura fallu subir un DVD de karaoké cambodgien, volume au maximum et voix nasillardes à souhait. Je ne parlerai pas non plus des routes encombrées par les funérailles de l’ancien roi, Sihanouk, des myriades de photos géantes le représentant un peu partout, des gens en deuil, ruban noir épinglé au col, et des retransmissions de l’évènement sur chaque poste de télévision, dans chaque demeure et chaque magasin, accompagnées de musique martiale sur chaque radio et transistor du pays. Et je ne raconterai sûrement pas notre arrivée tardive à bon port, où nous avons eu l’agréable surprise de constater que toutes les guest-houses étaient complètes, et qu’il nous aura fallu une bonne heure avant de trouver une chambre dans l’hôtel le plus sympa du quartier, certes, mais dans lequel nous avons du changer trois fois de piaule, histoire de combler les trous des réservations… Non je ne vous parlerai de rien de tout cela, veuillez m’en excuser.






Au-delà du fait que nous sommes apparemment arrivés en plein début de haute saison, et que la ville était donc envahie par des cohortes de touristes aussi bien occidentaux qu’asiatiques, nous avons pris le temps de nous reposer du voyage, une fois installés, avant de tenter une timide visite de la ville. Timide, car il s’avère que la moindre activité dans les environs relève du tourisme de luxe et coûte au bas mot un bras, si ce n’est deux. Cela ne nous aura pas empêché d’apprécier les mélopées de prières dans un magnifique temple inachevé, de boire une Margarita glacée dans la rue de la Soif, de plaisanter avec des gamins des rues, de nous prélasser une fin d’après-midi au bord d’une piscine en compagnie de deux compatriotes basques, ou encore de demeurer pantois devant le spectacle de milliers de chauve-souris géantes, juchées têtes en bas sur les branches d’arbres millénaires, et grinçant à qui mieux mieux en plein cœur de Siem Reap (oui, les chauve-souris grincent, vous ne saviez pas ?).




 




Siem Reap sert avant tout de camp de base pour les plus de deux millions de visiteurs annuels (!) qui désirent se rendre aux célèbres temples d’Angkor. Autant vous dire que les hôtels y poussent comme des champignons, et que comme les touristes n’ont plus le droit de louer de moto (il y aurait eu soi-disant trop d’accidents de la route), les tuk-tuk y sont légion… Juste une manière supplémentaire de nous pomper notre fric, car le site se trouve à 8 kilomètres de la ville, et s’étend sur près de 400 kms², en comptant les édifices les plus éloignés. Les distances étant particulièrement grandes entre les temples, et la chaleur difficilement soutenable, la plupart des touristes préfèrent se faire balader, sans même négocier les tarifs exorbitants qui leur sont demandés ! Un peu plus courageux, ou inconscients (voire carrément cons), nous avons opté pour la location de vélos, et avons pédalé une journée entière sous le cagnard pour découvrir les principaux temples de cet ensemble grandiose.




La glorieuse capitale de l’Empire Khmer aura vécu plus de 500 ans, de sa fondation au IXème siècle jusqu’à son déclin au XIVème siècle. A son apogée, le site s’étendait alors sur près de 3000 kms², représentant la plus grande cité de l’ère préindustrielle, avec une population avoisinant les 800 000 habitants ! Les archéologues y ont également retrouvé des sépultures datant de l’âge de bronze, révélant la présence de tribus préhistoriques bien ancrés en ces lieux environ 1800 ans avant notre ère. C’est en 889 que le roi Yasovarman Ier y fonda une ville à son nom, mais les cambodgiens prirent l’habitude de l’appeler Angkor, qui en langue khmère, veut tout simplement dire « capitale ». Nombre de ses successeurs agrandirent la cité, érigeant temples hindouistes et palais, ou aménageant d’ingénieux systèmes hydrauliques pour subvenir aux besoins d’une population toujours plus nombreuse, mais il faudra attendre le XIIème siècle pour que soient élevés les plus majestueuses constructions : Angkor Wat, Angkor Thom et Ta Prom.














Aujourd’hui, il est dommage que l’affluence touristique et l’encadrement de la Conservation laissent penser que l’on se trouve à Eurodisney, mais ce site archéologique, le plus vaste du monde, demeure une merveille. On commence généralement la visite par Angkor Wat, du fait de sa situation au sud du site (près de l’entrée), et peut-être parce que c’est le temple le plus grand, le plus connu et le plus  majestueux aussi… On considère qu’une armée de plus de 300 000 ouvriers (pour ne pas dire esclaves) et 6000 éléphants participèrent à sa construction, qui aurait duré 37 ans ! Entouré de douves et de murailles colossales (plus d’un kilomètre de long), ce temple-montagne est entièrement dédié à Vishnou, dieu suprême de l’hindouisme, symbolisé par la tour centrale, car le phallus est l’attribut divin par excellence… On y trouve des bassins, des bas-reliefs bien conservés (800 mètres de chefs d’œuvre !), des sanctuaires et un dédale de galeries labyrinthique, qui pourtant obéit à une architecture on ne peut plus symétrique. C’est tout simplement magnifique, et il est relativement aisé d’imaginer le faste et la vie qui ont pu animer cet édifice des siècles durant.





 










 












A 1700 mètres exactement de la porte d’Angkor Wat se situe la cité royale d’Angkor Thom. Ceinte des quatre côtés par des murailles de 8 mètres de haut, sur une longueur totale de 12 kilomètres, cette « ville dans la ville » recèle quelques-uns des plus beaux joyaux de l’ancienne capitale, même si l’ensemble des habitations, construites alors en bois et en paille, ont disparu à jamais. Outre le Palais royal, la grande place et de nombreuses tours et terrasses magnifiquement ouvragées, Angkor Thom propose avant tout le Bayon. Pyramide à trois niveaux, d’une hauteur de 43 mètres, ce temple-montagne possède une architecture complexe, cruciforme et changeante selon les étages. Mais le mystère qui s’en dégage réside avant tout dans les 37 tours (il y en avait 54 à l’origine), ornées chacune en son sommet de quatre visages orientés aux quatre points cardinaux, et censés représenter les quatre vertus du Bouddha : sympathie, pitié, neutralité et égalité. D’aucuns y voient plutôt le désir du roi d’alors de surveiller ses sujets, tel un Big Brother avant l’heure. Très impressionnant en tout cas !

  


















Quelques kilomètres à l’est se trouve Ta Phrom, le « monastère du roi ». Si Angkor Wat n’est qu’harmonie et majesté, le Bayon mystère et boule de gomme, Ta Phrom est un lieu romantique et magique, car la Conservation a eu l’heureuse idée de le laisser livré à la jungle. Le monde entier a d’ailleurs plutôt tendance, à l’évocation d’Angkor, à imaginer les temples couverts de mousse et de liane plutôt que les tours d’Angkor Wat. Sûrement parce qu’il les associe aussi à la généreuse poitrine de Lara Croft, alias Angelina Jolie, dont le film Tomb Raider a en partie été tourné ici, dans ce lieu invraisemblable qu’est Ta Phrom. L’explication la plus plausible à cette curieuse végétation qui envahit les temples serait que les oiseaux, amateurs des fruits du fromager, transporteraient ses graines avant de les déféquer joyeusement. Ces dernières germeraient sur les murs, étendant leurs racines vers le sol et s’insérant entre les pierres qu’elles disloquent en grossissant. Résultat : d’énormes racines noueuses recouvrent tels des pythons affamés les murs séculaires, avant d’élancer leurs gigantesques troncs laiteux vers le ciel. C’est sublime, magique, et mystique tout à la fois. A voir au moins une fois dans sa vie, malgré le côté parc d’attraction…





 


 


 


"Maintenant, fais la Russe"


Le retour fut particulièrement difficile, sous le cagnard toujours, mais nous l’aurons fait ! Une bonne quarantaine de kilomètres dans la journée, si ce n’est plus… Nous aurons qui plus est eu le plaisir de revoir, encore une fois, nos sympathiques camarades anglais Chris et Nicola, de retour d’une semaine au milieu des éléphants, toujours prompts à rire et à faire la fête. Big up guys ! Désireux toutefois de quitter cette industrie touristique décidément surmassive, nous avons préféré en rester là avec Angkor, une journée entière étant largement suffisante pour apprécier toute la beauté du site. Nous sommes donc repartis dès le lendemain matin pour Kompong Cham et retrouver notre vieil ami, le Mékong. Mais ça, c’est une autre histoire !










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