Salut la compagnie ! Avant toute chose,
laissez-moi vous dire que nous sommes bien vivants, et que nous sommes arrivés
au bout de notre road trip, après 5 600 kilomètres
de route, dans la mégalopole tentaculaire de Sydney. Mais je brûle les étapes.
Laissez-moi donc vous raconter la première partie de ce périple, à savoir la
visite d’Espérance, puis la traversée du redoutable désert du Nullarbor.
Comme certains le savent déjà, notre départ de
Fremantle fut pour le moins agité. En effet, après avoir changé nos plans pour
la énième fois, et décidé de nous rendre à Sydney en van plutôt qu’en avion,
nous nous sommes fébrilement lancé dans les préparatifs du voyage, en oubliant
un élément essentiel : le tempérament un peu lunatique de Mushi. Car à
peine avions-nous fait nos adieux à Mandy, Oscar et leur chienne Lulu, et roulé
30 kilomètres
(soit le temps de sortir de Perth), que ce satané farceur commença à tousser
comme un tuberculeux, et s’arrêta au beau milieu de la route. C'est-à-dire exactement
de la même manière que plusieurs mois auparavant, dans le nord, lorsque nous
cumulions les mésaventures. Autant vous dire que nous étions légèrement
dépités. Bref… Faux départ. Et c’est la mort dans l’âme que nous sommes
retournés nous réfugier chez Mandy.
Il s’est avéré par la suite que c’était la
meilleure chose qui pouvait nous arriver, étant donné que cela nous a permis de
trouver un garagiste fort sympathique et compétent, Shane, spécialisé depuis 15
ans dans la mécanique des vans de backpackers. En deux jours, et pour un prix
très raisonnable, il nous changea le carburateur (qui selon lui aurait du
rendre l’âme depuis un bon moment déjà), ainsi que l’extracteur d’échappement,
qui était fendu en deux… En gros, nous aurions pu nous retrouver de nouveau coincés
en plein milieu du bush, sans espoir de réparer le van, à mourir de soif,
assaillis par les mouches et les dingos, forcés à tapiner auprès des kangourous
pour obtenir une petite place à l’ombre d’un vétuste bosquet d’épineux. La
tuile quoi ! Mais notre cher petit Mushi complètement requinqué, nous
pûmes enfin nous mettre en route.
La première étape fut Wave Rock, atteinte en
deux jours car les alentours de Perth sont un véritable merdier de routes
tortueuses. Malgré un temps relativement pourri, froid, gris, et un peu
sinistre, nous n’eûmes pas de pluie, ce qui nous permit de nous promener
sereinement dans ce sublime décor de formations rocheuses pour le moins
saugrenues. Wave Rock, par exemple, porte très bien son nom, puisque l’érosion
a creusé le granit des millénaires durant, jusqu’à lui donner cet aspect de
vague monumentale sur le point de déferler. Apparemment, un bassin de plusieurs
centaines de kilomètres se tenait à ses pieds jadis, et ceci expliquerait cela.
Moi, tout ce que j’en dis, c’est qu’il est super difficile de surfer sur la
roche !
Un peu plus loin sur la route se trouve Mulka’s
Cave (la grotte de Mulka), petit tunnel traversant un gros rocher qui ne
présenterait aucun intérêt si de nombreuses peintures rupestres (des empreintes
de mains essentiellement) n’en recouvraient pas les murs depuis plus de
10 000 ans. Il est dit que c’était la cachette d’un géant borgne qui avait
un faible pour les enfants… Décidément, j’adore les mythes et légendes
aborigènes… Mais le plus sympa fut au-delà de la grotte, lorsque après avoir
escaladé une grande colline pierreuse, je me suis retrouvé face à une sorte de
canyon, tout seul en pleine nature, et que le soleil daigna enfin montrer le
bout de son nez.
Après quelques heures de conduite, nous sommes
arrivés à Espérance (nom du navire français qui « découvrit » la baie
en 1792), dont tant de gens nous avaient vanté la beauté. Peut-être était-ce du
au temps maussade, mais la ville, bien que jolie, ne me parut pas si
spectaculaire que cela. Non, le plus fun fut sûrement la boucle de 40 bornes
longeant la côte, ainsi qu’un lac salé soi-disant rose. La balade, réputée,
nous emmena en effet sur de beaux rivages dominant une mer déchaînée ;
et bien que la puissance du vent manqua à plusieurs reprises de nous faire goûter
les joies d’un lemming tombant du haut d’un précipice, nous pûmes apprécier la
beauté des lieux et l’immensité de l’océan en paix.
Je dirai que le véritable joyau d’Espérance
(qui doit son nom à l’un des officiers de l’expédition de D’Entrecasteaux),
réside dans le Parc national LeGrand. A une centaine de kilomètres à l’est de
la ville, cette réserve possède en effet de nombreux attraits. Tout d’abord, le
Frenchman Peak : cette petite montagne solitaire, dressée fièrement en
plein cœur de la lande, dispose d’une gigantesque grotte qui perce son sommet
de part en part. J’imagine que le panorama aurait été bien plus grandiose sous
un ciel d’azur, mais la montée valait tout de même largement le détour. Samia
étant resté au chaud dans le van, je partis donc seul à l’assaut du pic ;
mais plutôt que de prendre le chemin de randonnée qui en faisait le tour en
quelques deux heures de temps, je coupai au plus court, gravissant la raide
paroi de granit pour me retrouver en une demi-heure face à cette monstrueuse
bouche béante semblant vouloir engloutir les nuages. C’était splendide, et je
restai là un bon moment, perdu dans la contemplation de la mer, à la fois si
loin et à portée de main. Mais comme Samia attendait, je décidai donc de
redescendre. Seulement,
avide de défi et de danger, je pris le chemin le plus direct, et me suis vite retrouvé accroupi, glissant sur les fesses et les talons dans une descente de plus en plus verticale et dangereuse. Heureusement, je m’en suis sorti indemne, et après avoir traversé les derniers mètres touffus de buissons enchevêtrés, je suis arrivé échevelé et complètement écorché, et nous pûmes continuer.
avide de défi et de danger, je pris le chemin le plus direct, et me suis vite retrouvé accroupi, glissant sur les fesses et les talons dans une descente de plus en plus verticale et dangereuse. Heureusement, je m’en suis sorti indemne, et après avoir traversé les derniers mètres touffus de buissons enchevêtrés, je suis arrivé échevelé et complètement écorché, et nous pûmes continuer.
Poussés par le temps, nous avons un peu
survolé le reste du parc, mais nous sommes néanmoins arrêtés à deux magnifiques
plages de sable blanc, enserrées par des falaises escarpées et un maelström de rochers
aux formes abracadabrantesques, l’occasion pour moi de grimper et de faire le
zouave (oui, je sais, j’ai dit « faire le zouave », c’est craignos.
D’ailleurs, c’est également craignos de dire « craignos »…).
Remontant vers le nord, avant de bifurquer à
l’est vers le Nullarbor, nous avons profité d’une douche gratuite dans une
station service, dans la dernière ville digne de ce nom avant le désert. Un
vrai délice. Puis plus rien. Enfin, rien, c’est un peu exagéré j’en conviens !
Mais cela résume pourtant assez bien cette plaine immense qui traverse le sud
du pays sur presque 2000
kilomètres . Le fait est que l’on nous avait mis en garde
sur cette partie du voyage, et nous nous attendions au pire, mais au final, ça
va. Cela s’est bien passé. Nous avons mis quatre jours, roulant quotidiennement
500 bornes environ pour ne pas trop en demander à Mushi (et vu que nous
roulions à 80-90 km/h
en moyenne). Les journées étaient juste un peu longues et ennuyeuses. Surtout
les 90 miles ,
cette ligne droite et plane (la plus longue du pays) de 145,6 kms. Mais bon,
les pauses campings étaient agréables, car nous étions seuls, hormis ces
putains de mouches de merde !!! A noter que lors de notre passage de
frontière entre l’état de l’ouest et celui du sud (pour faire simple), nous
eûmes droit à un magnifique arc en ciel complet, parfait, ressortant
étonnamment bien sur le fond gris du ciel nuageux.
Passant rapidement par Port Augusta, ville
industrielle sans attraits, nous nous rendîmes au plus vite à Adélaïde, qui ne
nous plût pas beaucoup plus. C’est une jolie cité pourtant, à l’architecture
victorienne, mais après une semaine de route, de malbouffe, de bush et de
mouches, la seule chose qui nous intéressait vraiment était de prendre une douche.
Chose faite cette fois-ci dans la gare routière, en plein centre-ville. Frais,
dispos, réservoir et frigo remplis, nous repartîmes au plus vite,
essentiellement pour fuir la circulation et l’effervescence urbaine, et
retrouver au plus vite la nature sauvage. Et c’est là, au bord de la route,
alors que je n’y pensais plus (pas taper, Samia !), que nous sommes tombés
sur une énorme casse disposant entre autres d’un nombre considérable de
carcasses de vans. Prenant le temps de fureter, en pataugeant dans 15 bons
centimètres de boue, je vis tout à coup, au détour d’une pile de voiture… un
roof-rack ! Cela ne faisait après tout que 8 mois que j’en cherchais un,
sans succès ! Vous imaginez mon état : lumière divine, musique
céleste, et cohorte d’angelots m’encourageant de leurs voix cristallines à
l’ôter de son hôte précédent pour lui offrir une seconde vie… Deux heures plus
tard, couvert de sueur, de poussière, de boue, de rouille et de peinture, je
l’avais fait ! J’avais offert une crête de punk à Mushi !
L’aventure est loin d’être finie, mais je vais
m’arrêter là, pour conserver un peu de suspense, et ménager vos yeux fatigués.
Dans le prochain opus, à paraître très prochainement, je vous parlerai du Mont
Gambier, de la Great Ocean
Road, et de Melbourne la belle. D’ici là, portez-vous bien, bande de
coquins !
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