Et c’est reparti pour un tour ! Toujours en direct de Sydney, face à la mer, sur un petit parking isolé, voici venue l’heure de reprendre mon récit là où je l’avais laissé. C'est-à-dire à Adélaïde. Ou plutôt en repartant d’Adélaïde, vu qu’on avait rien à en dire.
Avalant la route tels des phacochères affamés,
nous nous sommes rendus d’une traite à Mont Gambier, où nous avons pris le
temps de nous délasser. En effet, cernée par une belle campagne verdoyante et
vallonnée, cette petite ville rurale est tout à fait charmante, et appelle le
voyageur harassé au repos bien mérité. La particularité de cet endroit est le
mont Gambier lui-même, dominant la ville de toute sa majesté, car il s’avère
être en fait non pas une montagne, mais un double volcan en sommeil, dont les
cratères abritent deux magnifiques lacs à la beauté irréelle. Le premier est le
Blue Lake, qui doit son nom à la
remarquable couleur de ses eaux. Pendant longtemps, les géologues
s’interrogèrent sur ce phénomène, sans pouvoir se l’expliquer, avant de
comprendre qu’un mec y jetait tous les jours de la peinture bleue. Nan,
j’déconne ! C’est en fait du aux eaux de pluie qui s’infiltrent dans les
sols alentours, rejoignent une nappe souterraine constellée de minéraux
opalescents, avant de remonter par les cheminées du volcan. Le deuxième, appelé
Valley Lake, est un peu moins
impressionnant, mais néanmoins très joli, et idéal pour pique-niquer sur ses
berges envahies par les canards.
Plus au sud, en quittant le Southern Australia pour l’état de Victoria, on tombe immanquablement sur
la sublime et fameuse Great Ocean Road.
Elle démarre en douceur, suivant le tracé régulier des gigantesques falaises de
calcaire, et offrant de temps à
autres un point de vue fantastique sur un superbe panorama invraisemblable. Car face à
ces murs vertigineux qui plongent tout droit dans l’Océan Austral, nos
ridicules falaises d’Etretat peuvent aller se rhabiller et disparaître dans
l’oubli. A vrai dire, toute cette portion de côte est incroyable : des
arches naturelles aux grottes immenses, des petites criques aux plages
infinies, toute la terre et la roche semblent avoir été sculptées par Eole et
Poséidon alors qu’ils étaient sous acide. Un seul mot vient alors à
l’esprit : « Divin ». Ou « Folie » au choix. Ou
« Bouillotte », c’est selon. C'est vous qui choisissez. En fait, c’est très subjectif, l’appréciation de la beauté et sa dénomination, non? Bref, c’est vraiment très beau.
Le spot le plus somptueux demeure tout de
même, à nos yeux, le site nommé Loch and
Gorge. Succession de gorges (comme son nom l’indique), de failles et de
criques perçant la muraille rocheuse, la baie entière était tristement célèbre
au temps de la marine à voile, en raison des récifs y affleurant et du
brouillard, dense et fréquent. En 40 ans à peine, plus de 80 navires sombrèrent
dans les environs. Et c’est ici précisément que coula le Loch Ard, en 1978 ; un clipper anglais qui perdit 64 passagers
et membres d’équipage, pour seulement deux survivants… On ne peut malheureusement
pas voir l’épave, mais on imagine aisément le drame, au vu de la violence des
vagues, de l’escarpement des rochers et de la profondeur de l’eau. Quoi qu’il
en soit, au-delà de cet aspect historique macabre, c’est sublime. Surtout cette
plage de sable blanc, aux eaux limpides, enfermée dans un cirque de plus de
trente mètres de haut, avec pour seule sortie un chenal étroit balayé par le
vent, mais disposant de l’abri d’une large et obscure grotte, saillie de
milliers de stalactites menaçants. L’endroit idéal pour s’échouer, quoi !
Après quoi nous nous sommes rendus aux 12
apôtres, ces pitons rocheux jaillissant de l’eau ; piètres résidus des
falaises d’antan et témoins malmenés de la force de l’océan. Il n’en reste que
7, du moins visibles depuis les plateformes d’observation, mais l’ensemble est
apparemment accessible, si l’on est toutefois assez fortuné pour se payer une
virée en hélico. Je passerai rapidement sur Apollo Bay, au demeurant très joli,
car nous ne nous y sommes pas attardés. Sachez seulement qu’à partir de là, la Great Ocean Road changea radicalement, se
transformant en route de montagne, sinueuse et perfide, épousant les formes des
montagnes se jetant dans la mer, et surplombant des à-pics effrayants. Qu’à
cela ne tienne ! Mené d’une main de pilote, Mushi releva le défi sans
encombres, pour finalement arriver dans les verts pâturages des collines
précédant la douce descente vers la ville.
Aaah… Melbourne ! Fabuleuse
Melbourne ! S’il y a bien une ville qui mérite le détour en Australie,
c’est celle-ci… Notre arrivée, en fin de matinée, fut un peu lugubre, de lourds
et menaçants nuages recouvrant la baie. Néanmoins, le soir venu, le vent avait
balayé le ciel, nous offrant un magnifique coucher de soleil, le premier d’une
longue série. A vrai dire, le temps nous a vraiment été favorable depuis. Car
bien que nous soyons à la fin de l’automne, et que l’hiver vient, comme diraient
les Stark, un soleil chaud et brillant illumine nos journées, et nous nous
baladons encore en débardeur (bon ok, les soirées sont un peu fraîches). Après
avoir squatté à l’entrée de la ville, comme des clodos, nous nous sommes rendus
à St-Kilda, en banlieue, pour y trouver un véritable petit paradis. De belles
plages, une superbe promenade, une magnifique marina, un petit marché charmant,
un Luna Park, des terrasses partout, St-Kilda est un havre de paix
pour ceux qui, comme nous, débarquent du bush et appréhendent de pénétrer en
ville.
Une excellente surprise nous attendait, à quelques kilomètres de là. En effet, Stéphanie _ une amie rencontrée à Darwin qui nous avait par la suite hébergé à Katherine _ était de retour en Australie avec son mec depuis peu, et avait dégotté une piaule dans une énorme maison, avec une dizaine d’autres collocs de tous horizons. Bon, il n’y avait pas de place pour nous dans la baraque, mais personne ne vit d’inconvénient à ce que nous dormions dans le van, juste en face, et que nous profitions de la cuisine, des commodités, et de la wi-fi quand bon nous semblait. Le pied ! Un bon camp de base pour nous reposer, et partir visiter la ville sans trop galérer.
Melbourne est très étendue, et très aérée,
avec de nombreux parcs disséminés un peu partout. Il était donc de bon ton de
commencer par le sublime Botanic Garden,
véritable poumon vert en bordure de la rivière Yara, et contenant de nombreux points d’eau pour abreuver les
milliers d’arbres et de fleurs qui le composent. Dotée d’une histoire
religieuse chargée (les catholiques furent longtemps persécutés en Australie),
la ville abrite également d’innombrables temples, églises, et même des
cathédrales majestueuses digne de faire pâlir de jalousie certains de nos
monuments européens. Quant à l’architecture, certains quartiers ont su accorder
harmonieusement le modernisme épuré des édifices les plus récents au style
classique des vieilles bâtisses coloniales. A vrai dire, l’ensemble rappelle un
peu les paysages urbains de Londres, ou même de New York, avec certes moins de
verticalité. En tout cas, c’est un véritable plaisir que de déambuler dans les
ruelles étroites, ou sur les larges trottoirs des artères principales, à
observer les gens et leurs différences.
Melbourne est mondialement réputée pour son
sport, toutes disciplines confondues, à croire que ses habitants vouent un
culte secret à Coubertin ; mais ce qui frappe le visiteur avant tout,
c’est l’incroyable production artistique, présente à tous les niveaux. Des buskers aux performers, des galeries privées aux expos publiques, des nombreux
musées aux festivals en plein air, il y en a pour tous les goûts. Mais le
summum, c’est le street art. La ville
est naturellement décorée et colorée, chaque commerçant ou compagnie ayant pris
soin d’apporter une touche personnelle à leur façade ou à leur bout de
trottoir. La mairie n’est pas en reste, contribuant énormément à l’habillage
urbain, mais sa plus grande réussite fut de dédier des ruelles entières à la
libre expression des grapheurs de tous styles et horizons. Le résultat est vraiment impressionnant.
Nous n’avons trouvé que deux de ces petits bijoux underground, mais je sais qu’il en
existe bien d’autres, cachés ça et là au détour d’une ruelle. Les mots sont
inutiles pour en décrire la qualité supérieure, alors voyez par vous-mêmes :
En matière d’art, nous avons été servis !
Dans un style plus conventionnel, nous sommes allés visiter l’incroyable Galerie
Nationale du Victoria. Autant l’extérieur laisse à désirer, présentant l’aspect
austère et le charme d’un ministère de l’ex Union Soviétique, autant
l’intérieur est remarquable de chaleur, de propreté et de design. Et leurs
collections sont étonnantes. Nous avons pu admirer une centaine d’esquisses de
Blake et une rétrospective complète des peintres italiens de la Renaissance (Da Vinci, Véronèse, Botticelli, Le Titien, Michel-Ange, etc...) ;
une aile entière est dédiée à la
Chine , et couvre une dizaine de dynasties ; quant aux
européens, ils ne sont pas en reste. Bien que Picasso, Miro, Cézanne, Van Gogh,
Monet, Manet, Gauguin, Velasquez et j’en passe ne soient présentés que par une
toile chacun, les hollandais étaient de la partie, avec notamment Vermeer,
Rembrandt, Jan Steen, et surtout Van Dyke, que j’adore. Nous sommes même tombés sur le
premier essai en bronze (beaucoup plus petit que l'original) du Penseur, de Rodin. Bref, une bien belle visite.
Suite à quoi nous sommes allés au Melbourne Art Centre, où nous sommes
tombés sur une superbe exposition dédiée au passage des Beatles dans la ville
en 1964. Le live entier était diffusé sur un écran géant, tandis que de
nombreuses cabines permettaient de visionner d’autres vidéos, ou d’écouter les interviews
de l’époque, au milieu d’un fatras d’objets divers et variés, témoins de la Beatles mania de l’époque. Très réussi, comme
hommage. Un peu plus loin, le Théâtre National avait fermé l’accès aux balcons
et à la scène, mais la simple visite de ses couloirs immenses, capitonnés de
rouge et d’or, et aux nombreuses décorations aborigènes, valait largement le
déplacement. Une dernière visite dans une galerie d'art moderne nous laissa par contre de marbre, les pseudo performances ou œuvres présentées relevant plus de la recherche scatologique enfantine, que d'un réel travail artistique. M'enfin!
Vous l’aurez compris, nous avons adoré
Melbourne, et nous ne sommes pas les seuls. Ses habitants ont vraiment une
qualité de vie exceptionnelle, et il n’est pas étrange qu’elle figure parmi les
trois villes les plus agréables au monde. Ceux qui l’ont sûrement le plus compris
sont les chinois, ainsi que de nombreux ressortissants d’Asie du sud-est, venus
s’installer en masse en ces lieux. Le quartier de Chinatown est tout un poème,
comme le sont d’ailleurs la plupart de ses homologues dans le monde entier,
petits îlots rouges au cœur des gratte-ciel. Les promenades le long de la
rivière sont également de toute beauté, et nous avons marché sur des kilomètres
au bord de l’eau, pour en admirer les vues incontournables. Nous y avons même
pris un pot en terrasse, au soleil, le premier depuis longtemps ! Bref, le
rêve…
Après quelques jours de visites intensives, ne voulant pas abuser de l’hospitalité de Stéphanie, et désireux de poursuivre notre route au plus vite, nous avons quitté Melbourne, avec tout de même en tête le désir d’y revenir un jour. C’est donc tout pour aujourd’hui, mais restez connectés ! La suite ne devrait pas non plus tarder…
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