Bon, vous l'avez deviné, le titre est assez éloquent, ces derniers
jours n'ont pas été une partie de
jambes en l'air de plaisir, mais rassurez-vous ! Au final, il y
aura eu plus de peur que de mal. Et nous aurons passé malgré tout de bons
moments. Et bien que notre cher Mushi nous en ait fait voir de toutes les
couleurs, nous sommes aujourd’hui beaucoup plus sereins et confiants quant à
l’avenir de notre road trip australien. Ah, mais assez de suspens ! Je
vous tiens par les couilles en haleine depuis trop longtemps déjà, et
vous devez vous poser moult questions sur cette étrange et injuste sinistrose
qui s’est abattue sur nous. Alors, par où commencer ? Dans ton
cul ! (Mais qu’est-ce qui m’arrive ?!?) Par le début, tiens! Il est toujours conseillé de commencer une histoire par le début. Donc, davaï !
En quittant Katherine, en compagnie d’Audrey, Paul et Ludo, le
plan était simple. Il s’agissait de gagner Broome, relativement vite, en
profitant tout de même des charmes de la route. Seulement, Ô rage ! Ô
désespoir ! Ô quenelles de la vie ! Les évènements n’allaient pas se
dérouler comme prévu, loin de là… Tout d’abord, notre frigo nous avait lâché
ignominieusement, nous condamnant à boire de l’eau et des bières chaudes, ce
qui est en soi un sacrilège, surtout en ce qui concerne les bières.
Heureusement que Paul, bricoleur a ses heures, et muni qui plus est d’un
multimètre, découvrit les causes de la panne : un vulgaire fusible. C’est
donc avec une mission en tête que nous sommes arrivés à Kununurra. Il nous aura
fallu visiter pas moins de cinq magasins pour trouver le modèle adéquat, acquis
pour la modique somme de 50 cents. Une fois ce problème réglé, et de nouveau en
possession d’un frigo qui pétait le feu (un grand luxe pour les backpackers en
Australie), nous en avons profité pour visiter cette petite ville de campagne,
au demeurant tout à fait charmante. Bordée d’un lac et de dômes rocheux,
Kununurra offre certes peu d’activités, mais recèle un je ne sais quoi de joie
de vivre et de quiétude. Sûrement grâce à la verdure, omniprésente, de ses
jardins bien entretenus.
Quoi qu’il en soit, nous sommes repartis de plus belle, poursuivant
les autres, qui nous avaient devancé pendant notre mission réfrigération, pour
finir par les rattraper aux abords du Kimberley, dans la magnifique Emma’s
Gorge. Perdue dans un désert semi aride, à la végétation vétuste et
poussiéreuse, ponctuée ça et là de protubérances rocheuses et autres chaînes
montagneuses pelées et vieillissantes, la gorge ressemble à une oasis de
fraîcheur, encastrée dans une faille d’un plateau qui domine la plaine
environnante. Le seul problème résidait dans la route d’accès, une
« gravel road » de deux kilomètres en tôle ondulée, sur laquelle
Mushi a un peu tiré la gueule, jusqu’à ce que je le pousse à 80 km/h pour absorber un
maximum les vibrations. Peut-être est-ce même à partir de là que les problèmes
ont réellement commencé… Arrivés à bon port, nous avons entamé l’ascension de ¾
d’heure, en tongs et au grand dam de Samia, gravissant le défilé jusqu’à ce que
se révèle le plus majestueux des bassins, enserré de murailles vertigineuses et
intemporelles. Du moins est-ce l’impression que j’en ai eu, imaginant nos
ancêtres préhistoriques remonter le cours d’eau jusqu’à sa source, pour y
trouver ce havre de paix et de réconfort. Nous y sommes restés quelques heures,
nageant, plongeant et nous reposant, comblés et heureux. Si nous savions ce que
la suite allait nous réserver !
La route de l’ouest est triste comme les pierres. Sèche, brûlante,
vide, morte. Un grand rien en somme. Ce n’est pas à proprement parler un
désert, mais toujours un semblant de savane africaine, mêlé de far-west à
l’américaine, genre Arizona ou Nevada. Pour dire, nous avons croisé de vrais
cow-boys, à cheval, menant leurs troupeaux interminables de vaches dans le
bush, et traversé deux minis tornades, nous balayant d’un vent chaud et
poignardant le van de milliers d’aiguilles de sable tournoyantes. C’est
également le royaume des fourmis. Des milliers… Que dis-je ? Des millions
de fourmilières, parsèment le décor sans interruption. Pyramides, tours
effondrées et stalagmites de terre rouge avachies, côtoient parfois des
termitières informes. Finies les fières et hautes cathédrales du Litchfield.
Ici, le vent de la plaine a repris ses droits, et arrondi ces monuments en gros
bulbes, champignons, et autres Blobs de
l’espace. De nombreux cours d’eau jalonnent cette route infinie, mais leurs
lits sont désespérément secs, et les arbres qui les bordent, habituellement
verts, ne sont plus que les ombres roussies d’eux-mêmes. Des dizaines de
carcasses de wallabies, de vaches et de dingos écrasés jonchent les fossés,
tels de macabres tableaux. Quant aux villes, ma foi, elles ressemblent plus à
des bourgades fantômes de western spaghetti, qu’à un village de 50 habitants du
fin fond de la Creuse. La
tristitude, quoi !
C’est ainsi que nous sommes arrivés à Halls Creek, relais routier
abandonné au milieu de nulle part, habité majoritairement par des aborigènes.
Et quand je dis « arrivés », ce fut de justesse, car à peine avions
nous dépassé les premières échoppes de la ville, que nous tombions en panne,
cahotant sur les derniers mètres comme un asthmatique désirant plus que tout
achever un marathon. La tuile. Ayant constaté que ce n’était ni un problème de
batterie, ni une fuite d’huile ou une panne d’essence, nous n’eûmes d’autre
recours que d’appeler l’assistance dépannage, fort heureusement contractée par
Samia avant notre départ. Deux heures plus tard, un garagiste nerveux et
paniqué nous remorquait chez un de ses confrères, arguant qu’il n’avait pas le
temps et l’énergie de s’occuper de nous. Cela promettait ! Mais le jeune
qui nous reçut alors était sympa, et réussit assez vite à redémarrer notre
pauvre Mushi. Au bout de trois kilomètres, le problème est revenu. Nous
réussissions à redémarrer, en partie grâce à une bombe de starter gentiment
offerte par le mécano, mais à chaque nouvelle tentative, la durée de survie et
le kilométrage s’amenuisaient. La nuit finit par tomber, et nous décidâmes de
dormir en face du garage. Inquiets, désenchantés et malheureux, nous nous
agitions dans un sommeil difficile,
quand je fus réveillé par les hurlements proches d’une abo complètement
beurrée, hurlant des insanités sur les blancs et tapant dans des poubelles.
C’est alors que je le vis. A travers la moustiquaire, ombre parmi les ombres,
un homme (aborigène également) se tenait à moins d’un mètre de moi, tentant
d’ouvrir la portière. Je lui hurlai de déguerpir, et tant bien que mal, je le
suivis des yeux tandis qu’il s’éloignait d’un pas titubant, marmonnant des
élucubrations incompréhensibles dans sa barbe. Il faut savoir, pour bien
imaginer notre terreur, qu’il y a quelques années de cela, dans cette même
ville, un serial killer décapitait les backpackers de passage, après qu’ils
l’aient pris en stop. Ils en ont d’ailleurs fait un film, "Wolf Creek". Quant au tueur, ils
ne l’ont capturé que récemment A la première heure le lendemain, après que le
garagiste nous ait confié ne plus pouvoir nous aider, nous quittâmes Halls
Creek.
Mushi tint bon, du moins jusqu’à la moitié du trajet (exactement)
qui devait nous mener à la ville suivante. Là, au bord de la route, assaillis
par des nuées de mouches voraces et par un vent brûlant, sans aucune autre
ombre que celle de notre porte arrière relevée, sans réseau pour appeler qui
que ce soit, nous avons commencé à désespérer. Les autres nous avaient devancé
la veille, et devaient nous attendre plus loin. Nous étions seuls. Nous avons
alors arrêter la voiture d’un couple de jeunes australiens, leur confiant le
numéro de notre assurance, nos références et notre positionnement exact, afin
qu’ils puissent nous venir en aide dès qu’ils capteraient, mais deux heures
plus tard, le moteur ayant refroidi et avec l’aide de la bombe de starter, nous
pûmes redémarrer. 135
kilomètres plus tard, effectués en quatre heures car
nous sommes de nouveau tombés en panne, nous arrivions à Fitzroy Crossing. Si
Halls Creek nous avait paru désolante, cette ville-ci nous sembla carrément
morbide. Les deux seuls garages de la bourgade ne purent nous venir en aide, en
raison d’un festival de courses à venir (quand on vous dit qu’on a un problème
avec l’évènementiel en voyage !). La mort dans l’âme, impuissants, nous
passâmes une nouvelle nuit agitée, car près de deux cents abos se réunirent sur
le parking pour se bourrer la gueule, hurler à la lune et se frapper
allègrement les uns les autres. Le lendemain, nous tentâmes le tout pour le
tout : rejoindre Broome coûte que coûte, située à quelques 400 kilomètres de
là. Mission Impossible, quoi !
Cette journée fut la pire de toutes. En matière de stress, d’incertitude
et de désespoir, nous fûmes servis. Il nous aura fallu plus de dix heures pour parcourir
péniblement les 160 premières bornes. Nous nous sommes arrêtés à quatre
reprises, à chaque fois avec moins de kilomètres à notre actif. Les deux
derniers arrêts, nous avions seulement fait 40 kilomètres . Mushi
agonisait. Pour dire, nous en venions à lui adresser des prières, muettes ou
formulées, à l’embrasser, à le maudire… La peur nous tenaillait à chaque
instant, car nous redoutions l’instant fatidique où il se mettrait à ralentir
par secousses, toussant comme un tuberculeux, avant de s’arrêter, peut-être à
jamais. Mais notre dernier arrêt, un peu volontaire, se fit dans une aire de
repos délabrée, en compagnie d’une jeune française et de deux allemandes
compatissantes. C’est là que Samia eut l’idée de génie d’essayer de rouler de
nuit. Nous en étions venu à croire, avec l’habitude, que c’était avant tout un
problème de refroidissement, et que la chaleur diurne, avoisinant les 40° (si
ce n’est plus), ne devait pas franchement aider. Alors, une fois Mushi reposé
et après nous être sustenté, nous reprîmes la route jusqu’à Broome. 240 kilomètres
durant, nos malédictions et nos prières se transformèrent peu à peu en
encouragements, en acclamations, voire en ovations de soulagement. Nous
comptions les kilomètres. Un véritable sketch. Mais le fait est que nous sommes
arrivés à bon port, rejoignant nos amis endormis, qui n’y croyaient plus, dans
le bush aux abords de la ville.
Cette histoire n’est pas terminée. Je prends beaucoup trop de
plaisir à maintenir le suspens. Et de toute façon, étant arrivés en plein week-end,
il nous fallait attendre lundi pour aller au garage. Nous en avons trouvé un,
qui nous reçoit demain matin. Nous avons encore eu quelques haltes forcées
depuis que nous sommes en ville. Mais nous ne sommes plus seuls, au milieu de
rien, et ça, ça n’a pas de prix. Soyez donc encore un peu patient, et vous
connaîtrez le dénouement de cette incroyable et démoralisante aventure que nous
venons de vivre. Ah oui ! Et si le cœur vous en dit, aidez-nous vous
aussi. En adressant une prière, ou en buvant une bière à la santé de notre
Mushi.
les aventures du Bush et de l'outback... Ca me manquerait presque...;-)
RépondreSupprimerTu l'as dit... presque...
SupprimerEt voila ! Si tu avais fait comme tout le monde une école de commerde (erreur de frappe involontaire, je le jure), vous rouleriez en 4*4 climatisé, avec assistance servile et hotels tout confort! Mais comme Môsieur est un artiste routard et fauché, il ne me reste plus qu'à faire quelques offrandes de côtes du Rhône aux dieux du bush.
RépondreSupprimerC'est parce que je tiens de ma mère. Surtout niveau côtes du Rhône. D'ailleurs, j'aimerais bien en avoir aussi en bouche. Bises.
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