Je vous avais laissé la dernière
fois aux abords de Katherine, après vous avoir conté notre émerveillement face
à la beauté des multiples panoramas et cascades du Litchfield Park. Le fait est
que cette deuxième étape fut également riche en sensations fortes, et d’une
certaine manière, encore plus intéressante que la première. Prêts pour en
savoir plus ? Ok, alors Aziz, lumière !
A soixante kilomètres au nord de
Katherine, à la limite méridionale du Kakadu, se situent les Edith Falls.
Nous aurions pu nous arrêter en chemin, à l’aller, mais de sombres nuages
menaçaient de gâcher notre plaisir, et nous décidâmes donc de pousser jusqu’à
la ville, d’où nous y sommes retournés, deux jours plus tard. Cela dit, je vais
commencer par là, afin de donner un semblant de logique chronologique et
géographique à ce récit décousu. Bref, les cascades de la mère Edith, vous
demandez-vous ? Tout simplement sublimes. Après nous être confortablement
installés dans le « camping » soi disant payant, à l’ombre rafraîchissante
d’un arbre géant, nous sommes allés nous baigner dans l’immense bassin, bordé
par les hautes falaises du plateau qui le surplombe. Toujours pas de croco,
mais nous y vîmes des tortues au faciès étrange, ainsi que de curieux oiseaux
gris reproduisant les bruits de leur environnement dans une trentaine de
trilles différentes, notamment les cris des crapauds, le froissement des
feuilles, ou encore l’écoulement de l’eau. A la fois fascinant et extrêmement
déroutant ! Autre évènement marquant : une colo avait envahi les
lieux, et tandis que des ados hurlaient en tous sens, une gamine est tombée
d’un rocher et s’est fracturée la jambe. L’animateur, un poil dépassé, a tout
de même traversé le lac à la rame dans une frêle embarcation, afin d’apposer
une attelle de fortune sur la malheureuse, et la ramener sur la terre ferme en
attendant l’ambulance… « C’pô facile t’les jours, avec ces
niaiseux », dirait Céline Dion de son bel accent.
Au dessus de ce premier bassin,
un chemin remonte le cours de la rivière vers ce qu’ils appellent « la
piscine supérieure », en réalité un enchevêtrement de bassins, trous
d’eaux et cascades, dans un décor apocalyptique de roches rouges et noires,
éclatées, érodées, parsemé ça et là d’arbustes rabougris, mais dont la vue
d’ensemble demeure grandiose. Nous y avons au moins passé quatre heures,
barbotant comme des gamins dans l’eau claire et tempérée, sautant comme des
cabris de rochers en rochers, ou plongeant pour ma part de tous les
promontoires accessibles en escaladant. Le rêve… En amont, j’ai pu constater
que la rivière recelait d’autres plans d’eau dans ses méandres, mais il m’aura
fallu attendre le lendemain pour aller les explorer, seul, car Samia était
fatiguée suite à une petite insolation. C’est alors que j’ai découvert un petit
vallon encaissé, paradisiaque, que le pied de l’homme a rarement du fouler, et
où l’eau s’écoule gaiement, insouciante des turpitudes du monde et de notre
folie dévastatrice. J’y suis resté des heures, perdu dans la contemplation de
la beauté brute de la nature, de sa force latente, patiente et immortelle. J’aurais
pu y demeurer des années, mais il nous fallait rejoindre la civilisation, et le
jour suivant, nous revînmes à Katherine.
Samia n’a pas aimé Katherine,
tandis que j’ai adoré. Enfin, c’est peut-être un bien grand mot, mais il est
vrai que cette petite ville provinciale possède un charme palpable. Sûrement
grâce à la rivière qui la traverse, dont chaque portion que nous avons pu
découvrir est un bijou de quiétude, de fraîcheur et de beauté. Ici aussi, comme
partout ailleurs, des panneaux d’avertissement déconseillent la baignade en
raison des crocodiles, mais nous n’en avons vu aucun, et l’appel de l’eau est
toujours le plus fort. Nous nous sommes donc baignés sans pouvoir nous arrêter à
Fort Crossing, Low Level (et sa colonie de milliers de chauves-souris géantes), ou encore aux Hot Springs, ces dernières se révélant
être une seule source d’eau certes tiède, mais limpide et fort agréable,
s’écoulant paresseusement au milieu d’une végétation dense avant de rejoindre
le cours d’eau principal. C’est là que nous avons retrouvé avec bonheur Laurie
et Stéphanie, les deux déjantées sans peur ni reproches. Laurie bossait en
woofing pendant un temps dans un ranch, pour un dresseur de chevaux réputé,
tandis que Steph entamait son service pour le seul bar de la ville, repère
d’aborigènes bourrés (bien plus effrayants qu’à Darwin) et de cow-boys esseulés
l’après-midi, avant de se transformer en simili boîte de nuit pour adolescents
en chaleur la nuit. Tout un poème. Nous sommes restés quelques jours avec
elles, car ces demoiselles avaient hérité d’un immense appartement, pour une
bouchée de pain, disposant d’une grande cuisine équipée, d’une vraie salle de
bain, et de la clim… Leur proposition de nous héberger un temps tomba qui plus est à pic,
car notre frigo venait de tomber en rade, pour notre plus grand malheur, et le leur sauva bon nombre de nos denrées périssables, en plus de glacer nos bières. Encore
merci, les filles, nous nous sommes bien amusés, et avons grandement apprécié
votre accueil.
Quelques jours plus tard nous
rejoignaient Paul, Audrey, et leur pote Ludo, partis de Darwin après nous. Les
retrouvailles furent chaleureuses, encore une fois dans les eaux calmes de Hot
Springs, suite à quoi nous avons fait nos adieux aux filles, avant de nous
rendre non loin de là aux fameuses Katherine Gorges. Etalée sur plusieurs
kilomètres, une succession de treize gorges offre à ses visiteurs un paysage
atypique, à couper le souffle. Ayant convenu que le tour en hélicoptère ou la
croisière en bateau étaient définitivement trop onéreux, nous avons opté pour
des canoës doubles, Ludo restant malheureusement en retrait. Et nous sommes
partis, une fois de plus sous le cagnard, remonter le courant de la rivière,
encadrés par des falaises au fur et à mesure plus hautes et plus resserrées. Ce
fut vraiment une belle promenade, même si nous avons au final un peu forcé la
cadence. Toujours désireux d’aller plus loin, de découvrir le paysage suivant,
au détour d’un virage supplémentaire, nous avons à mi chemin traversé une
portion à sec pour emprunter d’autres canots et poursuivre notre ballade. Mais
il s’est avéré au retour que des comiques avaient échangé l’un de nos deux
canoës contre deux kayaks simples, et après que les filles aient tenté de ramer de
concert, sans succès, préférant slalomer dans les largeurs, nous nous sommes
encordés les uns aux autres pour pouvoir les tirer. Enfin, surtout Paul il faut
dire. De retour au point de départ avec seulement cinq minutes de retard, nous
nous sommes entendus dire que nous n’avions pas le droit d’emprunter le second
tronçon, et que nous avions parcouru en une demi journée l’itinéraire normalement
prévu pour une journée complète. Si ce n’est pas de l’exploit, ça !
Puis nous avons repris la route,
et après une courte halte à Katherine, pour refaire le plein d’essence, d’eau
et de provisions, nous nous sommes lancés sur la Victoria Highway ,
autrement dit la route de l’ouest, à l’assaut de Kununura et des mystérieuses
contrées du Kimberley. Mais ça, c’est une autre histoire, et comme il se fait
tard ce soir, je vous propose de revenir en ces pages prochainement, pour
découvrir les véritables péripéties qui nous attendaient plus loin. Et croyez
moi, cela vaut le détour ! A bientôt donc !
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